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MH370 : "C'est une affaire de pilote" (Gilles Diharce)

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A l'heure où je publie cet article, voici neuf ans, jour pour jour, que le vol MH370 a disparu des radars. Malgré des fouilles intensives et de multiples hypothèses, on ne sait toujours pas depuis 2014 ce qui est est advenu de ce Boeing 777 immatriculé 9M-MRO qui volait de Kuala Lumpur en Malaisie vers Pékin en Chine, avec 227 passagers et 12 membres d'équipage.

C'est pourquoi il m'a paru utile de faire le point avec un spécialiste de l'univers aérien, Gilles Diharce, auteur d'un livre de référence sur cette affaire qu'il suit depuis son début.

Gilles, neuf ans après la disparition du MH370, peut-on dire que le dossier intéresse encore beaucoup de monde ?

Gilles Diharce. Beaucoup de monde ? Je n’irais pas jusqu’à dire ça. Le sujet intrigue toujours le grand public. Neuf années sans que l’on n’ait encore retrouvé l’avion, sans que l’on sache réellement ce qui s’est passé, c’est difficile à concevoir. Et ça laisse la porte ouverte à de nombreuses théories parfois fantaisistes qui trouvent écho auprès de l’opinion. Malgré tout, nous sommes encore quelques irréductibles rationnels à continuer à travailler sur le dossier et à vouloir que les choses bougent. En France, aujourd’hui, on doit se compter sur les doigts d’une main. Cela étant, il y a des personnes plus discrètes, moins médiatiques que certaines, qui font un travail remarquable.

Est-ce que ton approche est la même qu’au début de l’affaire ?

GD. Depuis bientôt deux ans, j’ai modifié ma façon d’aborder cette affaire. Après avoir enquêté pendant plusieurs années et publié deux ouvrages complets et factuels (NDLR : double édition du "Mystère du vol MH370, autopsie d'une disparition") , j’ai pris conscience que pour toucher un plus large public, il fallait en passer aussi par l’image. C’est pourquoi je publie désormais des vidéos explicatives et pédagogiques sur YouTube afin d’éclairer certains aspects méconnus de cette affaire.

41d6al86HjL._SY291_BO1,204,203,200_QL40_ML2_.jpgTrop de choses fausses ou très approximatives ont été évoquées dans les médias, particulièrement en France. Pour moi, c’est primordial de commencer par mettre de l’ordre dans tout cela et de corriger bon nombre de données ou de rumeurs infondées et incorrectes techniquement. Je pars toujours du principe que les gens sont capables de réfléchir. Si on leur explique comment les choses fonctionnent, comment on peut analyser certains aspects de l’affaire, ils sont capables de comprendre, même des points complexes.

N’y-a-t-il pas un risque que le dossier tombe peu à peu dans l’oubli ?

GD. C’est le risque, en effet. Et c’est bien pour cela que l’on doit continuer à en parler. On ne peut pas laisser les familles de ces 239 personnes disparues sans explication. En tant que professionnel de l’aérien, je ne peux m’y résoudre. Alors il faut en parler, débattre, informer et convaincre. En priorité, les autorités malaisiennes et australiennes car ce sont elles qui ont le pouvoir de relancer les recherches un jour.

Depuis un an, l’équipe d’Ocean Infinity s’est dit favorable à reprendre les recherches sur ses fonds propres et à n’être payée que si elle trouve l’avion. Mais depuis cette annonce, silence radio complet de la part des Malaisiens comme des Australiens.

Alors oui, il faut se mettre d’accord sur où chercher. Mais on attend quoi pour se lancer ?

Tu suis de près les recherches menées non en mer, mais dans des échanges entre experts. Quels sont les derniers développements ou hypothèses que tu as pu constater dans les rapports ou les livres parus récemment ? Et qu’en penses-tu ?

GD. Au niveau international, il y a toujours les membres de l’IG (Independant Group) qui continuent à échanger sur leur site. Mais je n’ai pas de contact direct car j’ai des divergences de points de vue avec eux sur certains aspects.

image.jpgPlus récemment, c’est Richard Godfrey qui a occupé l’espace médiatique avec sa méthode des ondes HF, qu’on appelle le WSPR, qui serait une avancée spectaculaire pour localiser l’épave. Au point de faire sortir de sa réserve l’ATSB (équivalent du BEA australien). Je demeure toutefois très mesuré sur ce que cela pourrait permettre de faire. J’ai expliqué en vidéo pourquoi mais je n’ai pas de contact direct avec Richard Godfrey.

Ponctuellement, la journaliste française Florence de Changy relate sa vision de l’affaire qui est en total décalage avec les faits. Là encore, je n’ai pas de contact direct avec elle. Elle m’avait contacté il y a plusieurs années pour des renseignements techniques sur les radars mais je n’ai plus eu de nouvelles depuis.

Mais j’aimerais pouvoir débattre directement avec elle et lui faire part de toutes les erreurs qu’elle a pu faire dans son dernier livre.

Finalement, vers qui se tourner ?

contre-enquete.JPGGD. Le travail le plus encourageant à mes yeux, c’est celui de deux Français, avec qui je suis régulièrement en contact, Patrick Blelly, un commandant de bord expérimenté à la retraite et Jean-Luc Marchand, un ingénieur qui maîtrise les calculs des données radar et satellite. Tous deux ont récemment publié une étude très technique et très sérieuse. On entend très peu parler d’eux, pourtant leurs travaux sont de très haut niveau et pourraient vraiment relancer l’affaire.

Depuis l’arrêt des recherches, les autorités ont toujours dit qu’elles étaient prêtes à les reprendre si de nouveaux éléments leur étaient communiqués.

Et c’est clairement le cas avec cette étude et c’est pourquoi je fais mon possible pour que leurs travaux soient connus. On a déjà réussi à convaincre le BEA français qui a transmis l’étude à son homologue australien, l’ATSB, visiblement très intéressé. Tout cela se fait en toute discrétion sans que l’on en entende parler dans les médias.  Nous avons bon espoir de faire évoluer les choses mais la décision de reprendre les recherches et de choisir le secteur ne nous appartient pas. Tout ce que l’on peut faire, c’est d’essayer de convaincre le plus possible.

Selon toi, que faudrait-il faire maintenant pour, sinon relancer le dossier, du moins écarter certaines pistes ?

GD. Si l’on veut relancer le dossier, il faut montrer aux enquêteurs que tout ce qui a été considéré dans une étude est conforme aux faits techniques dont on dispose.

Patrick Blelly et Jean-Luc Marchand ont réussi à reproduire le demi-tour de l’avion juste après sa disparition, ce que n’avaient pas réussi à faire les enquêteurs officiels.

C’est une avancée majeure qui prouve que cet avion, contrairement à ce que certains affirment, a pu parfaitement effectuer ce virage. Patrick est un pilote de ligne expérimenté qui maîtrise ce domaine. Ensuite, la trajectoire qu’ils ont définie dans l’Océan Indien est conforme aux données Inmarsat avec un très haut niveau de précision. Tout cela avec des consommations en kérosène qui sont parfaitement démontrées.

Vers quoi faudrait-il orienter tous les efforts ?

GD. Sans une telle rigueur, on ne peut pas espérer convaincre les autorités de relancer les recherches. Selon moi, l’effort doit surtout s’orienter sur ce qui a pu se dérouler à la fin du vol. Les enquêteurs ont toujours considéré que personne n’avait piloté l’avion à la fin. J’ai, depuis toujours, dit qu’il fallait se poser la question d’un pilote aux commandes de l’avion à la fin. Ce point peut tout changer et expliquer pourquoi les campagnes de recherche ont été des échecs. C’est l’un des points majeurs pour arriver à convaincre les enquêteurs et donc à faire bouger les choses.

Pour ce qui d’écarter certaines pistes, là encore, je suis convaincu que c’est en étant rigoureux que l’on peut dire si telle ou telle piste est viable ou non. C’est en me montrant très minutieux lors de mon enquête que j’ai pu en conclure qu’il y avait forcément quelqu’un aux commandes de cet avion, quelqu’un qui avait une connaissance approfondie de l’avion et du pilotage. C’est évident.

Maintenant, pour ce qui est de dire qui et pourquoi, là on rentre dans un débat de position. En tout cas, cette affaire est une affaire de pilote. Et à ce sujet, je reste persuadé que les autorités malaisiennes n’ont pas tout dit de leur enquête de police, et en particulier sur le commandant de bord. Pourquoi ? Y-a-t-il quelque chose qui les embarrasse ? C’est possible.

Important : cette interview est sous copyright. Vous pouvez publier un lien dirigé vers cette page, mais il est formellement interdit de reproduire tout ou partie de cet article sans l'autorisation de l'auteur.

POUR ALLER PLUS LOIN

download.jpgL'émission que j'avais faite avec Gilles en avril 2021 chez mes amis du Maybe Planet. 

 

 

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