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NON, un avion n’a jamais décollé en 1955 pour atterrir 37 ans plus tard !

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La nouvelle a agité les réseaux sociaux en 2020 et ce n’était pas la première fois : un avion disparu en 1955 aurait atterri 37 ans après avoir décollé ! Par quelle magie est-ce possible ? Que s’est-il vraiment passé et doit-on accorder du crédit à cette histoire qui nous plonge en plein mystère paranormal ? C’est l’extravagante histoire du vol 914.

L’histoire telle qu’on la raconte

Le 2 juillet 1955, le vol 914 de la Pan Am est sensé avoir décollé de New York en direction de Miami mais il s’est volatilisé en chemin et n’est donc jamais arrivé à destination. On précise qu’aucune trace de l’appareil ou d’éventuels survivants n’a été remontée et que les familles des disparus auraient été indemnisées. Le drame tombe dans l’oubli durant trente-sept ans.

Mais le 21 mai 1992, à Caracas au Venezuela survient un événement extraordinaire : le vol 914 réapparait sur les écrans radar !

Les contrôleurs aériens voient sur leurs écrans un appareil qui leur est inconnu. C’est un certain Juan de la Corte qui fut le témoin privilégié de ce retour miraculeux. En échangeant par radio avec le pilote de l’avion, celui-ci lui apprend qu’il s’agit du vol charter 914 qui relie New York et Miami, et qu’il a 57 passagers à bord plus quatre membres d’équipage.

Juan de la Corte ne comprend pas : que fait cet avion américain aussi loin de son parcours ? Il reprend la conversation avec le pilote qui semble aussi désarçonné que lui : « Etes-vous perdu ? Vous êtes à 1800 kilomètres de votre lieu d’atterrissage ! »

Le pilote peine à comprendre et Juan de la Corte enfonce le clou : « Vous êtes à Caracas, au Venezuela. Et vous n’avez pas d’autorisation pour atterrir ! »

A ce moment-là, le contrôleur comme le pilote comprennent que la situation est parfaitement anormale. Le pilote, surtout, a l’air complètement perdu et répète « Mais que s’est-il passé ? ».

Mais ce n’est rien à côté du choc qui l’attend lorsqu’il va demander la date. Juan de la Corte lui donne immédiatement : « Aujourd’hui, nous sommes le 21 mai 1992 ». Le pilote lui fait répéter d’une voix de plus en plus paniquée et se met à répéter : « Oh, mon Dieu ! Oh mon Dieu ! ».

Juan de la Corte fait de son mieux pour le calmer et lui demande toute son attention pour réussir son atterrissage. Il lui promet que le personnel au sol va être mobilisé pour leur porter assistance.

Lorsque l’avion atterrit enfin, les techniciens de l’aéroport n’en croient pas leurs yeux. C’est une pièce de musée volante qui se présente à eux, mais dans un état quasi neuf.

Des agents de sécurité montent à bord de l’appareil. Ils sont abasourdis en découvrant un équipage et des passagers aussi étonnés qu’eux, avec des uniformes et des vêtements datant des années 50. Ils vérifient les documents des passagers et découvrent que toutes ces personnes sont montées à bord de l’avion le 2 juillet 1955 ! De toute évidence, trente-sept ans plus tard, aucune d’elles n’a vieilli…

Mais durant tout ce temps, où étaient cet avion et tous ces gens ? Comment l’avion a-t-il pu voler sans carburant ? Comment ont-ils tous survécu ? Ont-ils été victimes d’un phénomène temporel ?

Or, alors que le personnel de l’aéroport va commencer à organiser le débarquement de l’avion, le pilote intime l’ordre à son équipage de retourner dans l’avion et dit aux agents de sécurité de ne pas les approcher. Il annonce alors « Nous y retournons ! » et fait refermer les portes de l’avion.

Les équipes au sol auront le temps de voir les visages effrayés des passagers, collés contre les hublots. L’avion se met en mouvement, le pilote ouvre sa fenêtre et lance au-dehors sur le tarmac ce qui ressemble à un papier cartonné. Puis l’avion amorce sa manœuvre, se présente sur la piste sans autorisation et disparait à nouveau, mais pour de bon.

Les agents au sol examineront le document qu’a fait tomber le pilote : c’est un calendrier de l’année 1955…

 

D’où sort cette histoire incroyable ?

L’histoire est ressortie en 2020 sur Twitter lorsqu’un membre du réseau social a raconté comment un avion disparu en 1955 aurait atterri en 1992 au Venezuela. Avant lui, en 2019, un vidéaste amateur avait déjà posté sur YouTube une vidéo sur le même sujet, avec plus ou moins les mêmes éléments narratifs, qui avait été vue des centaines de milliers de fois.

Dans les deux cas, les diffuseurs admettent avoir du mal à croire une telle histoire, mais ils entretiennent suffisamment de flou pour nourrir le doute chez les internautes les plus enclins à croire n’importe quoi. Eux-mêmes ajoutent des informations de leur cru, disant par exemple que tout le monde valide l’information, les médias américains comme les médias vénézuéliens, sans préciser lesquels bien entendu.

Sur la Toile, on s’en donne à cœur joie pour tenter d’expliquer cette incroyable réapparition, digne d’un roman de science-fiction. Certains, plus affûtés, dressent un parallèle entre cette histoire et une série télévisée américaine, « The Manifest » qui raconte le retour un jour de 2018 du vol 828 de la Montego Air reliant la Jamaïque à New York et… disparu cinq ans et demi plus tôt !

L’histoire devient virale alors qu’aucun média n’en parle. Et pour cause…

 

Un canular tiré d’un magazine satirique américain

Toute l’histoire du vol est, bien évidemment, un canular du début à la fin. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas récent !

En réalité, on doit le récit de l’avion disparu qui revient 37 ans plus tard à l’imagination fertile des rédacteurs d’un tabloïd parodique et satirique étasunien, le Weekly World News. Cet hebdomadaire, qui eut en son temps sa cohorte de fans, a été publié entre 1979 et 2007. Aujourd’hui, il continue encore d’exister en ligne via des posts sur les réseaux sociaux.

A l’époque, tout son contenu était composé d’articles imaginaires volontairement absurdes, avec des photos retouchées voire carrément inventées pour l’occasion. Les sujets, souvent débiles, étaient parfois de mauvais goût (comme cet article du 28 juin 1994 évidemment faux affirmant que des aliens avaient guéri des enfants cancéreux dans un hôpital d’Andorre). Le plus souvent, ces articles faisaient la part belle aux extraterrestres, aux difformités humaines, à des découvertes scientifiques farfelues et aux monstres comme Big Foot ou ce « garçon chauve-souris » qui revient de manière récurrente.

L’histoire du vol 914, que l’on peut retrouver aisément dans les archives du Weekly World News en ligne sur Google Books, a été publiée plusieurs fois avec, à chaque fois des ajouts et des modifications. On la trouve pour la première fois dans l’édition du 7 mai 1985, avec un avion qui atterrit à Caracas le 9 mars de la même année. Cinq ans plus tard, le journal remet ça avec un avion qui atterrit cette fois-ci le 9 septembre 1990. Rebelote dans un numéro de 1993 où la date d’atterrissage est, cette fois, le 21 mai 1992.

Dans la dernière version de 1999, la date reste celle du 21 mai 1992, et ce sera celle-ci qui sera retenue par les deux auteurs sur YouTube et Twitter. D’ailleurs, tous les détails donnés sont piochés dans les différentes versions de l’histoire dans le journal, avec la reprise des illustrations fabriquées (le calendrier de 1955, les portraits du personnage fictif Juan de la Corte, etc.)

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En définitive, on pourrait s’amuser de cette histoire extravagante de bout en bout, qui échappe à toute notion de bon sens, si le flou artistique entretenu par certains sur les réseaux sociaux ne visait pas à berner un public de gogos crédules, prêts à croire à tout ce qui relève du merveilleux.

Encore aujourd’hui, il existe des gens sincèrement convaincus que cette histoire est authentique, tout comme les voyages temporels d’ailleurs. Et lorsqu’on leur demande pourquoi jamais aucun média n’en a parlé, car il s’agirait d’un scoop mondial, ils brandissent l’excuse du complot mondial destiné à cacher la vérité à la population…

 

Une variante : le vol 513 de la Santiago Airlines

L’histoire de l’avion suspendu dans le temps semble avoir tellement plu que le Weekly World News a même inventé une version alternative de l’histoire, celle que l’on trouve dans son numéro du 14 novembre 1989. Cette fois-ci, l’avion a disparu en 1954 en Allemagne et est réapparu l’année de la publication de l’article, soit 35 ans plus tard, au Brésil !

L’histoire, elle aussi détaillée pour paraître plus crédible, est la suivante : le 4 septembre 1954, un Lockheed Constellation décolle de l'aéroport d'Aachen (Aix-la-Chapelle) en RFA pour rejoindre Porto Alegre (Brésil). Il s’agit du vol transatlantique numéro… 513 (!) de la compagnie Santiago Airlines, qui est supposée avoir mis fin à son activité deux ans plus tard en 1956. Le commandant de bord s’appelait Miguel Victor Curry et il y avait quatre-vingt-huit passagers à bord ainsi que quatre membres d’équipage. Le vol 513 n’arrivera jamais à destination, il sera conclu à un crash en mer mais sans pouvoir le confirmer.

Trente-cinq ans plus tard, le 12 octobre 1989, un appareil Constellation des années 50 réapparait à la surprise des contrôleurs aériens et se pose à Porto Alegre. Le nom de la compagnie ne dit rien à personne. Comme les portes de l’avion ne s’ouvrent pas, on fait intervenir des unités de secours. Dans la carlingue, on trouve 92 squelettes…

Un certain docteur Celso Atello, spécialiste en phénomènes paranormaux, va affirmer que cet avion a subi une distorsion espace-temps tandis qu’une physicien à la retraite, le professeur Rodrigo de Manha va dans son sens en réclamant que toute l’enquête soit rendue publique, par égard pour les descendants des passagers et des membres d’équipage.

Ne perdez pas votre temps à vérifier la moindre information sur cette histoire. Tout comme le vol 914, le vol 513 n’a jamais existé. Tout est inventé, le nom de la compagnie, celui du commandant, ceux des présumés experts, les informations sur le nombre de personnes à bord (4 membres d’équipage pour gérer 88 personnes, allons donc…).

8jRAJd1KNX_1GPjXOj424_wLR3c@488x603.jpgAvec un peu de bon sens, on peut aussi pointer du sens l’ineptie d’une liaison long-courrier entre la ville moyenne d’Aix-la-Chapelle (dont l’aéroport dans les années 1950 est appelé aéroport de Beek, avant de devenir l’aéroport de Maastricht-Aix-la-Chapelle) et une ville du sud du Brésil dont l’aéroport, jusqu’au milieu des années 50, était d’ailleurs trop petit pour accueillir des appareils comme les Lockheed Constellation…

 

Une parodie : le vol 631 d’Air France

Humour ou hommage déguisé aux délires du Weekly World News ? En date du 17 octobre 2014, on trouve sur le site satirique d’aviation Radiocockpit.fr, sous la plume d’un certain Capitaine Caserne (sic), le récit extravagant de la découverte en septembre 2014, par des baigneurs de Nouvelle-Calédonie de l’épave échouée sur le sable de l’hydravion Latécoère 631 de la compagnie Air France. Celui-ci avait disparu en mer le 1er août 1948 en effectuant la traversée entre Fort-de-France en Martinique et Port-Etienne en Mauritanie, avec 40 passagers et 12 membres d’équipage.

En ouvrant l’avion « propre comme un sou neuf », les premiers secouristes ont d’ailleurs découvert 52 squelettes sagement assis dans la carlingue et dans le poste de pilotage. Les experts de BEA français envoyés sur place ont confirmé qu’il s’agissait bien du même appareil, mais n’ont pu expliquer comment il pouvait avoir échoué en Nouvelle-Calédonie, très loin de l’endroit estimé de sa disparition.

Et l’article de conclure : « Le syndicat SNPL des pilotes Air France a exigé que les heures supplémentaires de l’équipage soient payées pour les 46 années de service effectuées aux commandes d’un avion de la compagnie. Si leurs revendications n’étaient pas satisfaites, ils envisagent de déposer un préavis de grève »… :-)

Statut : canular devenu une légende urbaine.

Sources

  • Weekly World News, articles cités dans le corps du texte
  • Emilie Jehanno, « Le mystère de l’avion atterri 37 ans après avoir décollé est un canular », 20 Minutes, 11 juin 2020.
  • François Deymier, « Insolite : un avion aurait atterri 37 ans après avoir décollé » BTLV.fr, 20 octobre 2020.

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